Musique espagnole

Musique espagnole

jeudi 25 octobre 2012


Un  orgue Espagnol ?

Beaucoup d’entre nous (organistes et non organistes) se sont posés la question : mais pourquoi donc « un orgue espagnol » ?  Très peu d’entre nous jouent « de la musique espagnole » à l’orgue et même si l’Espagne est géographiquement très proche, le répertoire allemand et  italien nous est bien plus familier. Il faut dire que pour certains, des souvenirs lointains de kilomètres de musique lors de stages ou de concerts ont grandement contribué à faire persister quelques « a priori » en la matière.

Ayant maintenant la chance de pouvoir jouer sur le magnifique orgue espagnol de l’église des St François, pour le plaisir et surtout pour le service liturgique, les organistes du CDMS34 ont tout à en découvrir.

Tout naturellement, c’est d’abord aux facteurs qui ont réalisé cet orgue qu’ils ont demandé ce qu’était un orgue espagnol. Depuis qu’ils ont monté leur atelier en 1991, Yann et Frédéric DESMOTTES ont eu la chance de restaurer 35 orgues historiques en Espagne. Ils connaissent donc bien les différences entre les grandes écoles nationales. La construction de l’orgue ibérique de l’église des St François à Montpellier leur permet de diffuser la culture la langue et la musique qu’ils aiment.

C’est quoi un « orgue espagnol » ? Frédéric DESMOTTES nous l’explique 
(extrait de la plaquette d’inauguration de l’orgue les 12 et 13 mai 2012)


L’ « Orgue Espagnol »  vu de la France :

Lorsqu’en France on parle de « l´Orgue Espagnol » presque tout le monde pense au modèle que Francis Chapelet  a fait  connaître entre 1963 et 1968 avec ses enregistrements des instruments de Salamanque, Trujillo et Covarrubias réalisés pour Harmonia Mundi.
Ces trois orgues sont de l´école castillane du XVIII ème siècle et ne sont représentatifs que d´une seule région et d´une seule époque.


L’Espagne, « pays composé de plusieurs pays, une histoire faite de plusieurs histoires » :

 L´Espagne -dont l´union territoriale date de 1492 avec la prise de la ville de Grenade qui marqua la fin de la reconquête des chrétiens sur les territoires musulmans et l´unification de l´Espagne- est un pays composé de plusieurs pays, une histoire faite de plusieurs histoires.
Depuis la France, État très centralisé, il est difficile de s´imaginer comment peut être l´Espagne d´aujourd’hui, très décentralisée, avec des régions où les langues régionales sont encore parlées par presque tous et où les traditions et cultures locales sont défendues avec acharnement comme signe d´identité culturelle.
Selon les linguistes, il se parle encore onze langues en Espagne, bien que le Castillan (l´espagnol) soit la langue officielle. L´Euskera (le Basque), le Catalán avec ses variantes (le Valencien, le Mallorqui et l´Ibicenco) et le Galicien sont les langues les plus connues.

                                     (Carte Espagne)

Le développement de la facture d’orgues dans la péninsule Ibérique :

La facture d´orgues dans la péninsule Ibérique s´est développée d´une manière très différente selon les régions et a subi des influences extérieures importantes depuis le XVème siècle et cela jusqu´à la fin du XVIIème siècle, lorsqu´elle développa un instrument caractéristique.


L’influence de l’école franco-flamande et des Flandres :

L´ école franco-flamande et les Flandres sont à la source des plus importantes influences,

·        d´une part par les relations commerciales et territoriales qui ont existées entre l´Espagne et les Pays Bas (territoire sous domination Espagnol jusqu´en 1648, date à laquelle se termina la guerre des quatre-vingt ans et de la reconnaissance de l´indépendance des sept provinces unies)
·        et  d´autre part grâce à la présence à la cour de Madrid, à différents moments, des trois organistes de la chapelle royale de Bruxelles, Peter Philips, John Bull et Peter Cornet.

Des  facteurs d´orgues comme le flamand Gilles Brebos, qui construit 6 orgues  à l´Escorial (prés de Madrid) dès 1578 ou le français Guillaume de Lupe qui arriva à Zaragoza (capital aragonaise) vers 1565, sont à la source des plus importantes influences qu´a subit l´orgue que l´on connaît aujourd´hui en Espagne.


L’impact de la division historique de la péninsule en deux Couronnes :

Il faut aussi être conscient de la division historique de la péninsule en deux Couronnes, celle d´Aragon (Zaragoza, Barcelona, Valencia et Mallorca) et celle de Castille (tout le centre, Madrid, Toledo, Segovia, Burgos et grande partie du nord), qui se montrent indépendantes dans leurs lignes de développement économique, social et culturel durant le XVIe et XVIIe siècle.

La conservation de leurs lois et privilèges respectifs, l´existence de particularités juridiques et administratives traceront des chemins différents dans leur devenir historique qui, logiquement, touchent aussi la construction des orgues.

Ces circonstances font que dès le début du XVIe siècle, on trouve au moins deux tendances parfaitement définies dans l´art de la facture d´orgues à l´intérieur de la péninsule ibérique, dont les limites correspondent grosso modo à la division géographique des deux couronnes. Les échanges entre les deux écoles seront sporadiques, laissant bien établies deux lignes d´évolution pratiquement indépendantes au moins jusqu´au début du XVIIIe siècle.

Entre ces deux écoles les différences sont évidentes tant au niveau technique et technologique qu´au niveau musical et visuel.

Les différences entre les différentes écoles :

Elles pourraient se résumer ainsi :

La Castille développa à partir de la fin du XVIIe et début du XVIIIe un instrument avec en général un seul clavier (sauf rare exception dans les cathédrales), tous les principaux (8’,4’,2’2/3,2’,1’1/3, Plein jeux, Cimbale, Surcimbale), un Bourdon de 8’, un Cornet de VI ou VII rangs (8’,4’,2’2/3,2’,1’3/5,1’1/3 +1’) des flûtes sur tout le clavier dans les très grand instruments ou seulement à la main gauche dans les instruments moyen, et des chamades disposées en « Ave María » (bases diatoniques et dessus en pointe de flèche diatonique mais avec le plus grand tuyau des dessus au centre de l´orgue). Cette disposition extérieure créa une structure intérieure avec de nombreuses pièces gravées mais avec des mécanismes très simples. Les sommiers sont toujours chromatiques pour permettre  la division des jeux en basses et dessus.

La Catalogne développa un instrument plus complexe dans sa structure et mécanique, muni en général de positif de dos en 4 pieds et parfois d´un troisième clavier,  avec une composition où les principaux sont souvent doublés ou triplés et ou les tierces principales se trouvent présentes dans les nombreuses mixtures. Toutes les flûtes sont ici présentes ainsi que les rangs extérieurs de chamade.

L´Aragon développa un orgue d´une taille moyenne, presque toujours d´un seul clavier mais d´une architecture sonore complète et équilibrés avec tous les principaux, toutes les flûtes (8’, 4’, 2’2/3, 2’,1’3/5) Cornet de VII rangs (2’ et 1’3/5 doublés) et jeux d´anches intérieurs et extérieurs. Ici la distribution de la chamade est chromatique et jamais plus grande que le 4’ réel ce qui allége considérablement la structure interne de l´instrument et lui permet de sonner plus librement.


Donc avant de parler d´ « orgue Espagnol » il faut se situer et définir correctement l´école à laquelle on se réfère (les différences existantes en Espagne étant comparables avec les différents styles d´instruments Allemands).



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